IMPACT DE LA HOUSSE ESPACE ABEILLE™ SUR LA SURVIE DES COLONIES D’ABEILLES

29 novembre 2021

*Résultats de l’étude scientifique réalisée à l’hiver 2020-2021 en partenariat avec le Centre de recherche en sciences animales de Deschambault.

 

Introduction

L’objectif du présent projet est de comparer la nouvelle housse d’hivernage extérieur développée par Espace Abeille™ avec certaines méthodes utilisées actuellement par les apiculteurs. 

 

Les techniques actuelles d’habillage des ruches posent une problématique car l’ensemble des matériaux utilisés proviennent de l’industrie de la construction et ne sont pas spécifiquement conçu pour l’usage que les apiculteurs en font. Le grand inconvénient de ces matériaux est qu’ils sont de nature pare-vapeur, c’est-à-dire qu’ils empêchent la transmission de l’humidité et de la vapeur d’eau. L’humidité est l’un des facteurs qui peut avoir un impact néfaste voir fatal pour la colonie d’abeille si celle-ci n’est pas bien contrôlé. Une mauvaise ventilation de la ruche occasionnera des problèmes d’humidité et de condensation dans l’habitat interne des abeilles dont les impacts peuvent se calculer en détérioration du matériel apicole et la perte de la colonie. Si l’humidité s’accumule dans la ruche, les abeilles ne seront plus aptes à conserver leur chaleur et ne survivront pas à l’hiver (Communication personnelle avec Nicolas Tremblay, conseiller apicole provincial, 2015).

 

Afin de résoudre la problématique que l’humidité peut apporter dans la colonie lors de l’hivernation extérieure avec les méthodes actuelles, Espace Abeille™ a développé une housse avec une combinaison de textiles technologiques combinant les effets de conservation de chaleur, d’imperméabilité et d’évacuation de l’humidité. La composition de textiles technologiques permet à la housse de respirer tout en empêchant les intempéries et la vermine de pénétrer à l’intérieur de la ruche et ainsi d’éliminer de façon optimale l’humidité qui peut s’accumuler dans la colonie due aux activités hivernales des abeilles et des conditions météorologiques externes. Cette housse est comparée avec les méthodes populaires actuelles.

Organisation spaciale du banc de tests 2020-2021.

Méthodologie

À la fin de l’été 2020, 50 colonies CRSAD de force similaire sont sélectionnées et réparties aléatoirement en 5 groupes expérimentaux (n=10 pour chacun des groupes). Une sonde HOBO, mesurant la température et l’humidité relative, est installée à l’intérieur de 8 colonies de chacun des groupes expérimentaux. Les sondes mesurent les paramètres à intervalle de 15 minutes pendant tout l’hiver.

 

  1. Housse Espace Abeille™ avec base préfabriquée
  2. Housse Espace Abeille™ avec ancrage métallique
  3. BeeCozy
  4. Caisson de styromousse R10
  5. Combinaison de styromousse R10 et de thermofoil d’aluminium double couche

 

Il faut noter que pour la housse BeeCozy, il existe des éléments supplémentaires qui peuvent être ajoutés. Il y a un coussin isolant pour le dessus de la ruche et un entre-couvercle spécial avec un vide d’environ 5 cm dans lequel on peut ajouter de l’isolant (qui peut être le coussin vendu séparément). Dans le cas présent, 5 colonies avaient uniquement l’enveloppe BeeCozy et 5 colonies avaient l’enveloppe et le coussin.

 

En septembre, les colonies sont toutes nourries avec 24 L de sirop de saccharose 2 :1 fournissant l’équivalent de 20 kg de sucre. Pendant le nourrissage, les colonies sont traitées contre la varroase avec du Thymovar ® (Andermatt BioVet).

 

Le 28 octobre 2020, le nombre de cadres d’abeilles de chaque colonie est évalué puis un traitement d’acide oxalique par égouttement est appliqué (35g/L d’acide dans un sirop de saccharose 1:1 à raison de 5 mL par cadre d’abeilles).

 

Le 12 novembre 2020, les ruches sont pesées, une photo du dessous des colonies sont prises, les sondes HOBO sont installées et les enveloppes hivernales sont posées. Pendant l’hiver les données des HOBO sont téléchargées à quelques reprises.

 

Le 8 avril 2021, les enveloppes hivernales sont retirées, les ruches sont pesées, les sondes retirées et des photos des dessous des colonies sont prises.

 

Le 12 mai 2021, la surface de couvain des colonies est évaluée. 

 

Pour les données zootechniques, les analyses statistiques sont faites par ANOVA avec le logiciel JMP (SAS, USA). Les données de température et d’humidité relative ont été analysées avec la procédure HPMIXED du logiciel SAS (SAS, USA) et les différences significatives entre les différents groupes ont été évaluées avec un test de Tukey.

Résultats et Discussion

Performances zootechniques:

 

Il n’y a eu aucune différence significative entre les différentes méthodes d’hivernage pour les paramètres mesurés. Toutes les colonies ont des poids similaires avant et après l’hiver (figure 6). En comparant l’écart de poids entre avant/après, il y a une différence significative uniquement entre le groupe Espace Abeille™ sur base préfabriquée et le groupe BeeCozy (P=0,01) Cependant, le matériel des ruches du groupe BeeCozy est gorgé d’eau au printemps ce qui fausse la donnée de poids et rend cette différence non valide.

 

Poids moyens avant et après l’hivernage pour chacun des groupes expérimentaux avec l’écart-type (P> 0,4).

Les forces en abeilles sont similaires avant et après l’hivernage (figure 7). La reprise printanière évaluée avec le nombre de cellules de couvain dans les colonies est similaire entre les groupes (figure 8). Il n’y a donc aucune différence sur la survie des abeilles ou la reprise printanière entre les différents types d’isolation comparés. Malgré l’absence d’isolant sur le dessus de 5 colonies du groupe BeeCozy, les performances zootechniques sont similaires. Cela démontre une excellente rusticité de la génétique du CRSAD mais complique les comparaisons d’efficacité des différentes méthodes d’isolation hivernale.

 

Nombre moyen de cadres d’abeilles avant et après l’hivernage pour chacun des groupes expérimentaux avec l’écart-type (P > 0,7).
Nombre de cellules de couvain moyen lors de la reprise printanière pour chacun des groupes expérimentaux avec l’écart-type (P> 0,6).

Huit colonies sont mortes pendant l’hiver. Cinq dues à des mauvaises reines et 3 colonies sont mortes de faim, ce qui fait qu’il n’y a pas d’impact significatif de la méthode d’isolation sur la mortalité des colonies.

 

Ancrage : 3 mortalités dues à un problème de reine

Base : 1 mortalité due à un problème de reine et 1 morte de faim

BeeCozy : 1 mortalité de faim

Caisson : 1 mortalité de problème de reine

Thermofoil : 1 mortalité de faim

L’installation

Toutes les enveloppes hivernales s’installent facilement et rapidement cependant, le BeeCozy bouche l’entrée de la ruche. Un morceau de bois a dû être ajouté pour le soulever et laisser un passage pour les abeilles. Cela demande donc de préparer du matériel supplémentaire pour l’installation et de stocker ce matériel afin de le réutiliser. La housse Espace Abeille™ avec ancrages métaliiques nécessite de visser ces derniers directement sur la hausse, ce qui compromet la durée de vie du matériel en créant des points d’infiltration d’eau dans le bois. 

 

Durabilité

Lors du retrait au printemps, une housse BeeCozy avait été percée par un rongeur et le matériel s’était complètement gorgé d’eau ruinant ainsi la housse (figure 9). Une enveloppe de thermofoil a été complètement déchirée par une moufette au printemps (figure 10). Deux des caissons de styromousse présentaient des dommages légers dû au grattage d’une moufette (figure 11).

 

Toutes les housses Espace Abeille™ étaient en excellente condition. 

Entreposage

Les caissons de styromousse prennent beaucoup d’espace d’entreposage, leur utilisation n’est pratique qu’en faible nombre ou on doit les laisser sur les ruches à l’année ce qui peut entraîner d’autres problématiques comme ralentir le développement printanier (Marceau et Martin 2015) et augmenter les manipulations pour ouvrir/fermer la ruche. Il faudrait également ajouter une couche externe rigide aux caissons pour qu’ils puissent résister à de multiples manipulations. Les autres types de housses prennent peu d’espace de rangement et celles d’Espace Abeille™ s’empilent de façon plus stable. 

 

Humidité

Tout le matériel en bois des ruches hivernées avec le BeeCozy est complètement gorgé d’eau au printemps. Les entre-couvercles et les couvercles présentent des signes importants de développement de moisissures (figure 12). Pour les ruches sans le coussin isolant, le couvercle est plus touché et celles avec coussin, c’est l’entre-couvercle qui est le plus touché. La première cause est que sans l’entre-couvercle spécial, l’eau de pluie ou de fonte de neige peut s’infiltrer entre la housse et la ruche. La deuxième cause et que l’ouverture d’aération est partiellement bloquée par la housse. Certains apiculteurs placent un tuyau pour permettre l’évacuation de l’humidité de l’ouverture d’aération et quelques-uns vont même jusqu’à percer la housse pour placer ce tuyau. Nos résultats montrent que pour hiverner avec la housse BeeCozy, il faut également avoir un entre-couvercle spécial afin d’empêcher l’infiltration d’eau entre la housse et la ruche ainsi qu’un tuyau ou autre méthode pour permettre au trou d’aération d’évacuer l’humidité. 

 

Les caissons de styromousse (figure 13) et les housses de thermofoil (figure 14) présente une légère condensation à l’ouverture et il y a des traces de moisissures sur les entre-couvercles. Le matériel des ruches hivernées avec la housse Espace Abeille™ était sec et sans moisissure (figure 15). Les seules traces de moisissures retrouvées dans les colonies avec la housse Espace Abeille™ étaient sous les cadres lorsqu’il y avait des abeilles mortes sur le plateau et sur l’enveloppe (discuté plus loin). 

Ruche hivernée avec BeeCozy. Le bois est gorgé d’eau. Matériel d’une ruche sans coussin isolant en haut et entre-couvercle d’une ruche avec coussin isolant en bas.

En attribuant une note sur 10 aux colonies pour l’importance de la présence de moisissures sur le matériel de la ruche, le BeeCozy se démarque négativement (figure 16). Le printemps 2021 hâtif et sec a entraîné un faible développement de moisissures à l’intérieur des ruches sur le plateau et sous les cadres. Nous hivernons fréquemment des colonies avec une housse de thermofoil et il y a normalement plus de moisissures que ce qui a été constaté ce printemps. Des conditions météorologiques plus normales risquent d’accentuer l’écart de performance entre la housse Espace Abeille™ et les autres modèles testés. 

Moyenne et écart-type de l’intensité de la présence de moisissure sur le matériel (extérieur et intérieur de la ruche). Attribution d’une note sur 10 par observation visuelle (0 = absence de moisissure et 10 = toute la surface de la ruche est couverte de moisissure). Des lettres différentes indiquent une différence significative (P<0,05).

Le matériel isolant de la housse Espace Abeille™ est le seul matériel qui laisse s’échapper l’humidité de la ruche. Cependant, l’enveloppe externe la bloque ce qui crée de la condensation entre l’isolant et l’enveloppe ce qui favorise le développement de moisissures et compromet la durabilité du produit (figure 17). Une modification de l’enveloppe externe pour permettre l’évacuation de l’humidité est nécessaire. 

Même si cela semble aller à l’encontre des principes physiques de conservation de la chaleur, la présence d’un trou d’aération dans le haut de la ruche pour laisser sortir l’humidité est nécessaire et ne semble pas occasionner de perte de chaleur importante (Anderson 1943). Cette idée a été testée et remise en question plusieurs fois, mais les résultats n’ont jamais démontré un impact négatif du trou d’aération sur la colonie d’abeilles alors que cela entraînait une diminution du développement de moisissures sur le matériel (Currie et coll, 2015). Cette pratique est encore aujourd’hui reconnue comme étant la méthode pour hiverner les colonies à l’extérieur ; elle est enseignée et appliquée partout. C’est également pour cette raison que la housse Espace Abeille™ a maintenu cette technique pour leur housse. 

 

La disposition des moisissures dans la housse Espace Abeille™ sur membrane externe plutôt que sur le matériel apicole montre que le problème n’est pas l’humidité mais bien le matériel d’isolation. Avec un isolant imperméable, la condensation va avoir lieu directement à sa surface et l’eau sera donc en contact avec le matériel apicole. Cela va favoriser le développement des moisissures et réduire la durée de vie de l’équipement. Puisque l’isolant de la housse Espace Abeille™ laisse évacuer l’humidité, la présence du trou d’aération est inutile.

 

Un ingénieur physique a récemment mis ses connaissances au service de l’apiculture. Il fait une excellente vulgarisation en lien avec ses travaux dans le American Bee Journal d’août 2017 (Mitchell 2017). Ironiquement, plus la ruche est bien isolée et plus le mouvement d’air par le trou d’aération dans le haut de la ruche est accentué en augmentant d’autant la perte de chaleur. Il explique que l’expérience d’Anderson (1943) n’a pas détecté de perte de chaleur car la température de la couche d’air chaud dans le haut de la ruche reste identique mais son épaisseur va diminuer et le déplacement d’air va augmenter avec un trou d’aération. Il y a donc une perte de chaleur importante par le trou d’aération. Avec une ruche bien isolée, l’humidité de l’air ne peut pas condenser dans le haut de la ruche (Mitchell 2016) et si l’isolant est perméable à l’humidité, elle ne condensera pas sur le matériel. La housse d’Espace Abeille rend donc le trou d’aération inutile et son retrait permettrait à la colonie d’abeille de maintenir des conditions environnementales à l’intérieur de la ruche se rapprochant de ce qu’elles recherchent lorsqu’elles nichent à l’état sauvage.

 

À l’intérieur de la ruche, le groupe BeeCozy a maintenu une humidité relative significativement plus élevée que les autres groupes (figure 18). Cela concorde avec les observations d’humidité et de moisissures sur le matériel présentées plus tôt et les causes énumérées sont les mêmes. 

Évolution de l’humidité relative à l’intérieur de la ruche pour les différents groupes expérimentaux pendant la période hivernale du 12 novembre 2020 au 8 avril 2021. Seul le groupe BeeCozy est significativement différent des autres groupes (P<0,05).

Température

La température à l’intérieur de la ruche est significativement inférieure pour le groupe BeeCozy uniquement (figure 19). Les autres groupes ne sont pas significativement différent malgré une tendance du groupe Foil à avoir une température plus faible jusqu’au printemps. Les ruches avec un coussin isolant atteignent des minimums de 7 oC et celles sans coussin de -2 oC. Ce type de housse est donc moins performant que les autres modèles testés avec des minimums de 12 oC pour le groupe Foil et de 16 à 18 oC pour les autres. 

Évolution de la température à l’intérieur de la ruche pour les différents groupes expérimentaux pendant la période hivernale du 12 novembre 2020 au 8 avril 2021. Le groupe BeeCozy est significativement différent des autres (P<0,05).

Indice THI

Le THI (Temperature-Humidity Index) est un indice qui tient compte à la fois de la température et de l’humidité. C’est un indice qui est utilisé dans l’évaluation du stress thermique dans d’autres productions animales. Cet indice est bien catégorisé dans la production laitière bovine par exemple. Pour les abeilles cependant, nous ne connaissons pas les valeurs limites où elles vont être affectées. Nous incluons cet indice dans le présent rapport afin qu’il puisse servir de référence dans le futur lorsque plus de connaissances seront établies sur le sujet. Pour cet indice, le groupe BeeCozy est significativement différents de tous les groupes sauf du groupe Foil et il n’y a pas d’autre différence significative. 

Évolution de l’indice THI à l’intérieur de la ruche pour les différents groupes expérimentaux pendant la période hivernale du 12 novembre 2020 au 8 avril 2021. Le groupe BeeCozy est significativement des groupes Base, Ancrage et Caisson (P<0,05).

Conclusion

Afin de bien évaluer les impacts de différentes méthodes d’isolation hivernale, il faudrait mesurer l’épaisseur du dôme de chaleur dans la ruche et utiliser une génétique moins rustique. La housse Espace Abeille™ est la seule housse testée dont le matériel laisse s’échapper l’humidité de la ruche. Elle est également beaucoup plus durable que les autres testées dans cette évaluation. Il faudra cependant qu’une méthode d’évacuation de l’humidité entre l’isolant et la housse soit élaborée pour augmenter la durée de vie du produit. La housse rend caduque l’utilisation d’un trou d’aération dans le haut de la ruche, ce qui permettrait aux abeilles de maintenir de meilleures conditions environnementales et le maintien d’un dôme de chaleur plus important dans la ruche. Les impacts sur la santé, le développement et la consommation hivernale restent à établir, mais ce produit a le potentiel d’améliorer une pratique plus que centenaire en gestion apicole. 

 

 

Bibliographie

Anderson, E.J. 1943. Some research on wintering bees. Gleanings in Bee Culture. 71:681-683, 715.

Currie, R.W. Spivak, M. et Reuter, G.S. 2015. Wintering management of honey bee colonies. In Graham, J.M. (ed), The Hive and the Honey Bee. Dadant & Sons; Hamilton, IL; pp 629-670.

Marceau, J et Martin, G. 2015. Exploration d’une méthode visant à favoriser le développement printanier des colonies d’abeilles. Rapport de projet; Programme d’appui au développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire en région du MAPAQ.

Mitchell, D. 2016. Ratios of colony mass to thermal conductance of tree and man-made nest enclosures of Apis mellifera: implications for survival, clustering, humidity regulation and Varroa destructor. International Journal of Biometeorology 60: 629-638. (doi:10.1007/s00484-015-1057-z)

Mitchell, D. 2017. Honey Bee Engineering: Top Ventilation and Top Entrances. American Bee Journal 157(8): 887-889.

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